10    LES TEXTES NON CHRETIENS

 

Introduction

Il existe quelques rares textes non chrétiens faisant référence à Jésus. Loin de constituer une preuve objective de l'existence du fondateur du christianisme ces textes accentuent à leur manière le caractère énigmatique du problème posé. En effet les trop brèves allusions à Jésus ne cadrent absolument pas avec la popularité étonnante de celui-ci telle que nous la dépeignent les évangiles. Un homme connu dans toute la Palestine qui prêche et accomplit des miracles devant des multitudes ne peut avoir laissé les commentateurs de l'époque indifférents. Hors tel semble bien être le cas même en tenant compte des textes dont il sera question plus loin. Tous les événements miraculeux ou surnaturels qui jalonnent le passage de Jésus sur Terre n'ont semble t-il laissé aucune trace dans les écrits du moment  et  ce malgré le fait que l'époque recelait  de nombreux chroniqueurs qui ont par ailleurs tant écrit sur les moindres faits ou événements de Palestine.

Inutile de dire que cette situation constitue un argument fort à l'encontre du paradigme chrétien qui ne peut sans entrer en contradiction avec les évangiles minimiser l'impact de Jésus sur ses contemporains.

Pour le paradigme rationaliste en revanche il ne s'agit pas d'un écueil incontournable puisque selon les défenseurs de cette thèse Jésus a pu exister sans être trop remarqué par ses contemporains. les évangiles ayant simplement embelli un fond historique réel et construit ainsi une véritable légende dans l'acceptation courante du terme. Pour ceux qui parmi les rationalistes défendent cette position il faut alors renoncer au trois quart du texte des évangile et proposer une grille de lecture minimaliste (C'est par exemple la position des membres du "Jesus Seminar"). Ceci ne constitue pas la position d'une majorité de rationalistes qui se contentent comme on l'a vu de ré-interpréter les événements surnaturels dans un cadre historique épuré de toute violation des lois naturelles. L'hypotèse minimaliste est bien sur la seule dans ce cas à pouvoir être conciliée avec la quasi inexistence de témoignages historiques concernant l'existence de Jésus. Cette version rationaliste est cependant assez proche du paradigme mythique et perd de ce fait beaucoup de son intérêt puisqu'elle revient à admettre peu ou prou que Jésus a effectivement existé mais qu'on ne peut rien savoir de sa vie puisque celle -ci est passée inaperçue de ses contemporains.

Les rares textes qui font mention de Jésus ne sont pas à proprement parlé des témoignages puisqu'ils ont tous été écrits plusieurs dizaines d'années après les événements. On étudiera dans l'ordre d'importance les récits de : Pline le Jeune, Suétone, Bara Sérapion, Tacite et Flavius Josèphe. Seuls les deux derniers mentionnent explicitement le nom de Jésus en relation avec des événements des évangiles (la condamnation par Pilate).

Deux autres textes de Phlégon et Thallus sont souvent cités comme preuve indépendante de l'existence de l'obscurité qui accompagna la crucifixion, et donc d'une certaine manière de la véracité du récit des évangiles; on les étudiera en dernier.

Pline Le Jeune

Pline le Jeune qui fut gouverneur de Bythinie a écrit une lettre à l'empereur Trajan vers 106 après J.C. dans laquelle il parle des chrétiens et de leur vénération du Christ. Il mentionne que les chrétiens se réunissent à la tombée de la nuit pour prier et qu'ils sont inoffensifs. Néanmoins il demande à l'empereur quelle attitude il doit prendre envers ce nouveau groupe religieux.

Tout ce que cette lettre nous apprend c'est qu'il existait effectivement des hommes se réclamant de la croyance dans le Christ comme Dieu. Aucun rapprochement n'est mentionné entre ce "Christ" et Jésus condamné à mort par un procurateur romain. En conséquence de quoi on comprend mal que ce document soit si souvent cité comme "preuve" non chrétienne de l'existence de Jésus. Beaucoup de spécialistes considèrent que Pline ne détenait que des informations de seconde main sur les chrétiens et leur croyance.

 

Suétone

L'auteur romain a écrit une vie des douze Césars et dans l'une d'elles (Vie de Claude) écrite probablement vers 120 après J.C. il rapporte la phrase suivante : " Claude expulsa les juifs de Rome qui causaient des troubles permanents à l'instigation de Chrestus".

Le nom de Chrestus serait une référence au Christ (le nom est déformé car le vrai nom devrait être Christus). En fait ce nom peut très bien désigner une autre personne directement responsable des agitations dans Rome, le nom de Chrestus semblant être assez courant à l'époque. Il est peu vraisemblable en effet que l'auteur ait voulu affirmer que Jésus Christ était présent à Rome en 44 (époque où Claude expulsa les juifs de Rome).S'il s'agit malgré tout d'une référence indirecte au Christ celle-ci ne nous apporte aucun éclaircissement quant à l'existence effective d'une personne historique qui aurait fondé le mouvement. En aucun cas ce document comme le précédent ne constitue une confirmation indépendante de l'existence de Jésus. Suétone peut très bien en effet se contenter de citer le nom du responsable du mouvement tel que celui-ci est rapporté par les premiers chrétiens. Il ne faut pas oublier en effet que l'auteur écrit au début du deuxième siècle c'est à dire à un moment où l'influence des premiers chrétiens commence à prendre de l'importance.

 

Lettre de Mara Bar Serapion

Ce document si souvent cité comme un témoignage de l'historicité de Jésus Christ est une lettre écrite par Mara Bar Serapion alors en prison à son fils à qui il demande de rechercher les voies de la sagesse.

"Quel avantage les athéniens tirèrent-ils en mettant à mort Socrates ? La famine et la peste vinrent sur eux comme jugement pour leur crime. Quel avantage les hommes de Samos tirèrent-ils en brûlant Pythagore? En un instant, leur pays fut recouvert par le sable. Quel avantage les Juifs gagnèrent-ils en exécutant leur Roi sage ? Leur nation fut abolie peu de temps après cet événement. Dieu vengea justement ces trois hommes : les Athéniens moururent de faim; les Samiens furent engloutis par la mer; et les Juifs, ruinés et arrachés de leur pays, vivent dans la complète dispersion. Mais Socrates ne mourut pas pour toujours; il survécut dans les enseignements de Platon; Pythagore ne mourut pas pour toujours, il survécut dans la statue d'Hera. Le Roi sage ne mourut pas non plus à toujours, il vit dans les enseignements qu'il a donné".

 

Cette lettre appelle les commentaires suivants:

-          Jésus n'est pas explicitement nommé dans le texte.

-          Le "Roi sage" peut très bien se référer à un roi juif ayant vécu à la même époque que Pythagore ou Socrate (6ème ou 5ème siècle avant J.C.)

-          Le sort réservé aux Juifs fait penser à la déportation qui a suivi la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor  (exil et dispersion des juifs).Un roi Juif du nom d'Amon fût effectivement assassiné environ cinquante ans avant cet événement.

-          Pythagore n'a pas été brulé par les siens mais est parti vivre à Crotone en Italie du Sud.

-          Aucune famine ni peste recensée n'est venue s'abattre sur Athènes après la mort de Socrates.

En conclusion il semble que cette lettre au contenu si peu historique (en ce qui concerne notamment les personnages de Socrates et Pythagore ) ne nous apporte aucun renseignement concernant ce roi des juifs qui pourrait être Jésus ?

Le document serait légèrement postérieur à 73 après J.C. d'après certains spécialistes (F.F.Bruce : "The New testament Documents") soit près de quarante ans au minimum après les événements qui nous préoccupent.

Le caractère trop vague du texte ainsi que sa date de rédaction un peu tardive contribuent à ne pas retenir ce document comme une preuve sérieuse de l'historicité de Jésus.

 

Cornélius Tacitus (Tacite)

Historien romain et gouverneur en Asie Tacite rapporte les propos suivants dans ses Annales:

"Quelque fût le soulagement apporté par un homme, ou les bontés qu'un prince puisse apporter, ou les sacrifices d'expiation que l'on pourrait présenter aux dieux, rien n'aurait soulagé Néron de l'infamie des rumeurs qui circulaient selon lesquelles il aurait lui-même ordonné cette conflagration, c'est-à-dire, l'incendie de Rome. C'est pourquoi, pour faire cesser ces rumeurs, il accusa les chrétiens qui étaient haïs pour leur énormité, les chargea de cette culpabilité, et les punit par toutes sortes de tortures affreuses. Christus, qui était le nom de leur fondateur, fut mis à mort par Ponce Pilate, procurateur de Judée sous le règne de Tibère : mais la superstition pernicieuse qui fut réprimée pour un temps éclata de nouveau, pas seulement en Judée où le méfait tenait ses origines, mais aussi dans la cité de Rome."

Ce document constitue avec le Testimonium Flavanium la preuve historique la plus souvent citée car émanant d'un historien romain non chrétien qui cite précisément la condamnation de Jésus par Pilate sous le règne de Tibère.

Ce texte écrit vers 117 après J.C. est pourtant bien tardif pour constituer une preuve indépendante de tout témoignage chrétien. En effet vers cette époque comme on l'a déjà remarqué circule "l'histoire du fondateur du christianisme" qui n'a pas manqué d'arriver jusqu'aux oreilles de Tacite. Pour pouvoir affirmer que Tacite écrit à partir d'une source indépendante il faudrait par exemple montrer qu'il avait accès aux archives impériales ce qui donnerait à son témoignage un caractère vraiment incontestable. Cependant ceci demeure douteux car le titre donné à Pilate (procurateur) n'est pas exact (Pilate n'était que préfet) et qui plus est il semble peu probable que Christus ait pu être le nom de Jésus enregistré dans les archives officielles si tant est qu'un tel événement ait pu être enregistré: Il est peu vraisemblable que toutes les exécutions de messie ou de prophètes juifs de l'époque se déroulant dans une lointaine province romaine aient pu être consciencieusement  enregistrées dans des archives officielles.

 Certains spécialistes s'interrogent par ailleurs sur l'authenticité de ce texte qui n'est pas cité par les pères de l'église  : ni Origen, ni Tertullien qui connaît bien Tacite ni Clément d'Alexandrie si prompt à utiliser tout l'arsenal des "preuves" pour convaincre les païens ne font référence à ce texte qui est "retrouvé" en 1468.Eusèbe de Césarée qui a lui aussi "compilé" toutes les sources documentaires sur Jésus ne parle pas de ce passage de Tacite.

 

Pour toutes ces raisons , le texte de Tacite ne constitue  pas à proprement parlé une preuve indiscutable de l'historicité de jésus.

Lucien de Samosata

Lucien de Samosata est un rhétoricien satiriste qui a vécu au 2ème siècle après J.C. à Athènes et à Alexandrie.

Il port un jugement critique sur ses contemporains ,leurs croyances et surtout leurs superstitions.

Dans l'une de ses œuvres il parle du fondateur du christianisme en ces termes :

"... l'homme qui a été crucifié en Palestine parce qu'il avait introduit cette nouvelle secte dans le monde... En plus, celui qui leur avait donné sa loi les persuada qu'ils étaient tous frères les uns des autres après qu'ils aient transgressé une fois pour toutes en reniant les dieux grecs et en adorant ce même sophiste crucifié, et vivant sous ses lois...". (dans "Le Pèlerin qui passe")

Ce "témoignage" on l'aura compris n'en est pas vraiment un l'auteur étant un contemporain de Justin et des pères apologétiques. Il confirme simplement qu'au 2ème siècle la tradition d'un Jésus Christ crucifié en Palestine était déjà répandue un peu partout (ce que nous savions déjà par ailleurs) et qu'il existait des chrétiens dans de nombreuses régions.

 

Le Talmud

Parmi les références les plus fréquemment citées comme preuves historiques figurent quelques passages tirés du Talmud Juif. Ce document rappelons le comprend deux parties : Le Mishna (texte) et le Gemara (commentaires); le premier aurait été codifié vers le 2ème siècle et rédigé pour la première fois vers le 5ème siècle,la deuxième partie daterait aussi de cette période. Dans son livre "Evidence that demands a Verdict" McDowell considère que les références incertaines se rapportant à Jésus de Nazareth constituent des preuves indépendantes de l'historicité du fondateur du christianisme. En fait les passages concernés racontent tous " des anecdotes" assez éloignées du récit biblique:

-          Yeshu (Jésus ?) est pendu la veille de Pâques après avoir été lapidé pour cause de sorcellerie ? Il a cinq disciples : Matthai,Nakai,Nezer,Buni,et Todah (Sanhedrin 43a)

-          Ben Strada est pendu la veille de Pâques en Lydie (Sanhedrin 67a)

-          Balaam est mis à mort par décapitation ou strangulation ou lapidation ? à l'age de 33 ans (Sanhédrin 106b)

-          Jesus doit fuir en Egypte sous le règne du roi Janas? Il pratique la magie (Sanhedrin 107b)

Ces quelques références éparses semblent s'inspirer du Nouveau Testament (largement diffusé à l'époque de la rédaction du Talmud) en y ajoutant des passages ou des allusions à d'autres mythes. Il n'existe pas à proprement parler de témoignage indépendant des sources chrétiennes.

Dans le paradigme mythique il est plus que vraisemblable que des variantes du mythe fondateur ont du exister à une époque très reculée dont le Talmud se ferait l'écho ce qui expliquerait les différents récits qui nous sont parvenus et qui demeurent  incompréhensibles à la lumière des autres paradigmes.

 

 

 

 

Flavius Josèphe

Introduction

Nous arrivons maintenant à la "preuve historique" sur les origines du christianisme la plus souvent citée et considérée par la plupart des apologistes chrétiens modernes comme le témoignage indépendant des évangiles le plus important.

Flavius Joseph est un  historien juif de l'antiquité qui a vécu dans la deuxième moitié du premier siècle et a écrit une monumentale histoire du peuple juif dont les deux ouvrages les plus connus sont : Les Antiquités juives et la Guerre des juifs . Travaillant pour le compte des empereurs romains "Flaviens" (Vespasien, Titus et Domitien)

il s'est toujours efforcé d'adopter un point de vue plutôt favorable à Rome notamment à propos des révoltes juives qui conduisent à la destruction du Temple de Jérusalem. Joseph s'en prend avec virulence à tous les agitateurs (les plus connus sont les Zélotes) et prétendus magiciens de l'époque qui provoquent le courroux des autorités romaines et par là même la ruine de l'état hébreux.

Parmi la trentaine de volumes rédigés par cet historien hors du commun figurent deux passages de quelques lignes sur Jésus dont l'authenticité est discutée et discutable. L'essentiel du débat porte sur la question de savoir si ces passages ont bien été rédigés par Joseph ou sont l'œuvre d'un copiste chrétien tardif. L'interpolation comme l'appelle les spécialistes consistant à remanier le texte d'un auteur au moment de la recopie du manuscrit (système en vigueur avant l'invention de l'imprimerie) .

 Le Testimonium Flavianum

Tel est le nom usuellement donné au premier des deux passages des Antiquités juives.

Antiquités 18.3.3 :

"Maintenant il y avait, en ce temps-là, un certain Jésus, un homme sage, s'il est permis de l'appeler un homme, parce que c'était un faiseur de miracles, et un enseignant qui enseignait de telle manière que les hommes l'écoutaient avec plaisir. Il s'attirait après lui, à la fois beaucoup de Juifs, et beaucoup de Gentils. C'était le Christ, et lorsque Pilate le condamna à être crucifié, à la suggestion des principales personnalités parmi nous, ceux qui l'aimèrent depuis le début ne l'abandonnèrent pas; parce qu'il leur apparut de nouveau le troisième jour, comme le leur avaient annoncé les prophètes, ainsi que dix mille autres merveilles à son sujet. Et la tribu des Chrétiens, ainsi nommés d'après son nom, n'est pas encore éteinte à ce jour."

Disons tout de suite que la plupart des historiens considèrent que le texte ci dessus qui nous est parvenu n'est pas intégralement de Flavius Josèphe. La raison essentielle en est que Josèphe était juif pratiquant et qu'en tant que tel il n'aurait jamais pu dire de Jésus que c'était le Christ ,qu'il était ressuscité et que c'était un faiseur de miracles sans s'être après cela converti au christianisme. D'aucun pense que le texte entier est une interpolation mais l'opinion la plus générale reste cependant d'admettre l'authenticité d'une partie plus restreinte du texte qui aurait été "complété" par la suite par un copiste chrétien. Pour confirmer cette thèse on cite souvent une deuxième version du passage en question transmise par les arabes et dont le contenu est d'apparence plus conforme à ce que Josèphe aurait pu dire : (d'après l'historien juif Shlomo Pines)

Le texte arabe de ce passage apparaît dans un manuscrit du Xème siècle Kitab Al-Unwan .Voici ce texte :

"En ce temps-là, vivait un homme sage qui s'appelait Jésus. Il avait une conduite irréprochable, et il était connu comme un homme vertueux. Et beaucoup de gens parmi les Juifs et les autres Nations devinrent ses disciples. Pilate le condamna à être crucifié et à mourir. Ceux qui devinrent ses disciples ne cessèrent pas de suivre son enseignement. Ils rapportèrent qu'il leur était apparu le troisième jour après sa crucifixion et qu'il était vivant. A ce propos, il était peut-être le Messie dont les prophètes avaient rapporté les merveilles...".

La Question de l'authenticité reste posée donc à propos de ce passage .Examinons maintenant les points qui font difficultés:

à Flavius Josèphe travaillant pour le compte des empereurs romains et toujours prompt dans ses œuvres a critiquer la volonté de rébellion de ses compatriotes aurait -il pu faire une exception notable pour Jésus et suggérer comme c'est le cas que celui-ci aurait été injustement condamné  à la crucifixion par un fonctionnaire romain .

à Si Flavius Josèphe n'a certainement pas dit que Jésus était le Messie a t -il pu dire néanmoins qu'il était peut-être le Messie prenant par là même fait et cause pour la nouvelle religion chrétienne?

à La référence la plus ancienne concernant ce texte se trouve chez Eusèbe de césarée (IVème siècle après J.C.).Avant lui aucun des Pères de l'église ne cite le passage. Ni Clément d'Alexandrie, ni Tertullien, ni Cyprien, ni Origène (dans son argumentation avec Celsus) tous si prompts pourtant à utiliser toutes les armes concevables afin de convaincre et de convertir les païens.

Origène dit de Flavius Josèphe que celui-ci n'a pas reconnu que Jésus était le Messie ce qui prouve au minimum que la phrase en question (quelle que soit la version) est une interpolation.

 Deuxième passage des Antiquités Juives

Antiquités 20.9.1

"Mais le plus jeune, Anne qui, comme nous l'avons dit, reçut la charge de Souverain Sacrificateur, était aventureux, et d'une défiance exceptionnelle; il suivit le parti des Sadducéens, qui sont très sévères dans leur jugement parmi les Juifs, comme nous l'avons déjà montré. Comme Anne avait de telles dispositions, que Festus était mort, et que Albinus était encore sur le circuit, il pensa que le moment était venu d'assembler le conseil des juges, pour faire comparaître devant lui le frère de Jésus, le soi-disant Christ, qui s'appelait Jacques, en même temps que d'autres. Et après les avoir accusés d'avoir enfreint la loi, ils les condamnèrent à la lapidation.".

Parmi les arguments mis en avant pour soutenir l'authenticité de ce passage le principal concerne le fait que l'accent est mis sur Jacques le frère de Jésus et non sur Jésus lui-même. L'expression Jésus le soi disant Christ ne pourrait également être une interpolation d'un copiste chrétien et enfin le style général du texte est bien celui de Josèphe.

Examinons brièvement chacun des points en question.

à Le fait que le texte parle de Jésus et non de Jacques peut tout simplement signifier que seule le complément de phrase "frère de Jésus, le soi disant Christ" a été rajouté ; le texte d'origine pourrait tout simplement parler de Jacques un des fondateurs de l'église de Jérusalem ?

à L'expression "le soi-disant Christ" est rendue dans certaines traductions par "Celui qu'on appelle le Christ" et fait écho comme le rappelle E. Doherty au passage dans Matthieu (1.16) : Jésus, qu'on appelle le Christ.

Par conséquent on voit bien qu'une telle expression peut tout a fait avoir été rajoutée sans difficulté par un copiste chrétien .

à Les copistes n'avaient bien entendu aucun mal à imiter le style de l'auteur après plusieurs centaines de pages recopiées. Comme le précise E.Doherty il pouvait même s'agir chez eux d'une seconde nature.

Pour une analyse plus exhaustive de l'origine probable de ce passage il faut consulter le document de E.Doherty : "Josephus Unbound : Reopening the Josephus Question".

L'auteur y explique qu'il existe un troisième passage concernant de nouveau Jacques le "frère de Jésus" qui ne nous est pas parvenu mais qui est cité par Origen et Eusèbe . Ce passage contiendrait également l'expression : "Jésus qu'on appelle le Christ" et expliquerait que le martyr de Jacques a entrainé la destruction du temple de Jérusalem en guise de punition divine. Pour E.Doherty il pourrait exister un lien entre ce passage disparu et le passage ci-dessus qui aurait ainsi récupéré la même interpolation : "frère de Jésus qu'on appelle le Christ".

En fait les points les plus marquants a l'encontre de ce passage sont les suivants :

à La référence au Christ pour parler de Jésus laisse entendre que précédemment Josèphe a déjà parlé de Jésus en ces termes. Ce pourrait être le passage 18.3 ;mais on a vus plus haut que ce passage ne contient certainement pas une telle indication (Christ ou Messie).

à Les Pères de l'église avant Origen et Eusèbe ne mentionnent pas ce passage qui pourtant aurait été fort utile dans les controverses avec les détracteurs du Christianisme.

 

 Conclusion

Si Jésus a existé et vécu les événements décrits dans les Evangiles il est incompréhensible qu'un des  plus grands historiens de l'Antiquité ne lui accorde guère plus qu'une dizaine de lignes perdues dans son œuvre par ailleurs gigantesque. Les innombrables miracles accomplis par Jésus ainsi que tous les événements surnaturels qui accompagnent son ministère jusqu'à sa mort et sa résurrection devant plusieurs témoins devaient nécessairement être connus de Josèphe qui aurait dû de ce fait y consacrer plus de quelques lignes.

L'hypothèse rationaliste minimale d'un Jésus très peu connu et plus discret peut bien sur expliquer le peu de place que lui consacre Flavius Josèphe mais comme on a déjà eu l'occsaion de le préciser cette hypothèse est presque indiscernable dans ce  contexte de l'hypothèse du mythe  sans en posséder par ailleurs toute la cohérence.

 

Philon d'Alexandrie

Philon fût aussi un grand historien et philosophe juif et le seul (parmi les plus connus) qui soit vraiment contemporain de Jésus et de Paul. Philon est né vers 25 avant J.C. et est mort aux alentours de 50 après J.C.

Son œuvre comprend essentiellement des commentaires sur l'Ancien Testament. Très épris de philosophie grecque (il vit à Alexandrie) il est l'un des premiers à parler du Logos (le Verbe) comme intermédiaire entre Dieu et les hommes. Il écrit également sur la communauté des Esséniens sur laquelle s'exprimera également Flavius Josèphe.

Historien, philosophe et observateur de son époque Philon ne dit pas un mot sur Jésus de Nazareth ou les premiers chrétiens. Il n'est pas sur qu'il se soir rendu en Palestine mais son œuvre sur les Esséniens montre qu'il s'intéresse de près à tout ce qui touche sa Patrie toute proche.

Si Jésus est le personnage  renommé dépeint par les Evangiles il est plus que  surprenant que Philon n'en ai jamais entendu parlé. Les nombreux miracles accomplis par Jésus devant des multitudes devaient nécessairement être transmis de bouche à oreille par des juifs se rendant à Alexandrie. On a mentionné plus haut l'incroyable vitesse avec laquelle se seraient répandues les idées ainsi que les premières communautés chrétiennes dans tout le bassin méditerranéen à partir du foyer fondateur représenté par Jésus et les douze apôtres de Jérusalem.

Ce phénomène au demeurant si énigmatique ne s'accorde pas vraiment avec l'absence totale d'information dont semble disposer Philon à propos de ce mouvement  naissant et surtout de son fondateur.

Encore une fois seule la thèse du mythe donne une explication satisfaisante à ce silence. Pour les partisans du paradigme rationaliste il faut admettre une fois de plus que l'existence de Jésus fût contre tout témoignage évangélique d'une discrétion totale.

 

Thallus

Thallus est présenté par beaucoup d'apologistes chrétiens modernes comme un personnage contemporain du Christ qui aurait témoigné de  l'incroyable obscurité survenue au moment de la crucifixion et relatée dans les évangiles synoptiques. Une analyse assez complète de ce "témoignage" est disponible en anglais [R.Carrier].

Le résumé qui suit s'en inspire largement avec quelques hypothèses supplémentaires pour la discussion:

-          Thallus est un "historien/chroniqueur" de l'Antiquité qui écrivit sur  de nombreux événements passés  ou contemporains ? Son œuvre  comprendrait les  "Histoires"  et le "Bref Compendum" tel que rapportés par les pères de l'Eglise qui se sont intéressé à ses écrits.

-          Les écrits de Thallus ,notamment ceux qui se rapportent aux événements qui nous intéressent sont cités par G.Syncellus (9ème  siècle) et Eusèbe (4ème siècle)  eux mêmes citant Jules l'Africain (3ème siècle).La source de  la référence est donc passablement indirecte pour un témoignage ayant vocation à servir de preuve aux récits évangéliques.

-          On ne sait pas exactement quand Thallus a écrit ce qu'il aurait écrit! Les seules références datées sur son œuvre (Le bref Compendum) renvoient à la période allant  de 1184 avant J.C. (Chute de Troie)  à 109 avant J.C. R.Carrier fait l'hypothèse que Thallus a écrit au 2ème siècle mais confesse que toute période allant de 109 avant J.C. au 2ème siècle est possible.

-          Flavius Joseph aurait parlé de  Thallus  personnage samaritain ayant vécu sous le règne de l'empereur Tibère. Cette référence qui date du 18ème siècle positionnerait Thallus définitivement au 1er siècle de notre ère. En fait le passage de Josèphe ne comprend pas explicitement le nom de Thallus qui aurait été "conjecturé par un dénommé Hudson donnant ainsi toute sa consistance au témoignage en question."

-          Le passage rapporté par Jules l'africain est le suivant :

<< Thallus appelle cette obscurité une éclipse de soleil dans le troisième livre de ses Histoires, cela sans

       raison apparente. Car comment peut-on croire à une éclipse de soleil lorsque la lune est située à l'opposé de  

        celui-ci.>>Ainsi Jules l'Africain semble se moquer de la confusion que Thallus fait entre une éclipse et                     

        cette obscurité exceptionnelle qui ne peut être que d'origine divine.

-          Plus loin dans le même passage Jules l'Africain cite un autre auteur : Phlégon qui lui aussi aurait remarqué            l'obscurité : <<Phlegon rapporte qu'aux temps de Tibère une éclipse totale eu lieu pendant la pleine lune et dura de la sixième à la neuvième heure>>.La citation de Phlégon ne correspond pas du tout à celle rapportée par Eusèbe de Césarée qui lui aussi cite ce même auteur:

<< Alors ,dans la quatrième année de la 202ème olympiade (32 après J.C.) se produisit une magnifique éclipse de soleil à la sixième heure qui surpassa toutes les précédentes et produisit une telle obscurité que l'on pouvait distinguer les étoiles dans le ciel; la terre bougea à Bythynia renversant plusieurs constructions dans la ville de Nicaea.>>.Il semble que Phlégon est fait mention d'une éclipse accompagnée d'un tremblement de Terre sur la côte de la mer noire sans rapport apparent avec les événements supposés contemporains de Jérusalem. Cette citation plus crédible affaiblit considérablement la référence rapporté par Jules l'Africain sur Phlégon et par la même le passage correspondant sur Thallus.

 

Conclusion : En définitive il semble que le témoignage de Thallus ne pèse pas bien lourd sur la balance de l'histoire eu égard à toutes les questions qu'il soulève. Il semble néanmoins probable  (c'est mon hypothèse) que seul le témoignage de Phlégon tel que rapporté par Eusèbe de Césarée soit historiquement valable. Cette éclipse accompagnée d'un tremblement de terre aurait alors inspiré les auteurs des évangiles en quête d'un décor sur mesure pour le tableau de la crucifixion. Car il ne faut pas oublier que si cette "incroyable" obscurité  s'était réellement produite comme relatée dans les évangiles celle-ci n'aurait pas manqué d'attirer l'attention des historiens réputés de l'époque qui tel Sénèque ou Pline notait scrupuleusement tout événement naturel un temps soit peu remarquable. La citation de Thallus  découle alors sans doute de celle de Phlégon; les deux auraient d'ailleurs pu être confondues par les moines copistes (supposition de R.Carrier).Ou bien Thallus a écrit au deuxième siècle à une époque où le récit évangélique commence à circuler dans les milieux chrétiens.

 

Les Manuscrits de la mer morte

 

Ces manuscrits découverts dans des grottes près du site de Qumram en 1947 constituent les documents les plus anciens jamais retrouvés concernant le judaïsme. La plupart de ces parchemins renferment des extraits  des textes de l'Ancien testament. Ces manuscrits auraient été rédigés par des membres de la secte des Esséniens vivant sur le site de Qumram (Selon d'autres auteurs certains manuscrits pourraient avoir une autre origine : Zélotes ?) Les Esséniens étaient avec les Pharisiens et les Saduccéens une des trois composantes majeures du Judaïsme à l'époque de Jésus. Certains des manuscrits ont été découverts bien avant 1947:Le document de Damas par exemple a été découvert vers la fin du dix neuvième siècle. Origen cite une traduction de la bible en grecque qui aurait été découverte dans une jarre près de Jéricho…

Résumons brièvement les éléments d'information fiables concernant ces manuscrits :

-          Les datations effectuées sur des bouts de papyrus par spectrométrie de masse au carbone 14 montrent que ceux-ci remontent approximativement au 1er et 2ème  siècle avant J.C. Cependant cette datation ne concernant que le support lui même laisse subsister le doute sur la période réelle d'écriture qui pourrait ainsi selon certains experts être beaucoup plus tardive (aux alentours de l'an 0).Toutefois les dates indiquées par l'analyse au carbone 14 semblent correspondre à celles issues des études paléographiques menées par ailleurs.

-          Certains passages comportent des analogies avec le contenu du message chrétien montrant ainsi que la communauté des Esséniens a pu jouer un rôle dans la naissance du christianisme.

-          Aucun des textes retrouvés ne parle de Jésus ni des Apôtres. Cela peut s'expliquer soit par la date de rédaction antérieure à l'époque qui nous intéresse (2ème siècle avant J.C) soit par l'absence dans l'histoire réelle des personnages en question.

-          Un des manuscrits appelé le manuscrit de Damas parle d'un Maître de Justice que certains identifient à Jésus ou bien à son frère Jacques (Pr Eisenman).

 

En conclusion on voit que malgré toute la médiatisation faite autour de ces manuscrits ceux-ci ne nous apprennent pour l'instant quasiment rien sur la naissance du christianisme ni sur la personne de Jésus.

 

 

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