Entre la Nativité et la Passion

Jésus et les Docteurs

L'épisode de Jésus en train de converser avec les docteurs de la foi est le seul  des évangiles canoniques qui se rapporte à l'enfance de Jésus.

L'élément surprenant dans cette histoire n'est  pas tant l'invraisemblance de la situation dans laquelle un jeune garçon de douze ans se trouve paisiblement à participer à une réunion avec des religieux mais plutôt dans l'incompréhension de ses parents pourtant avertis dès sa naissance de sa véritable nature.

 Jean-Baptiste

Jean Baptiste  annonce l'arrivée de Jésus en des termes sans équivoque (Matt 3-11):Il baptise les gens mais son baptême dans les eaux du Jourdain n'est que le prélude de celui que Jésus effectuera avec l'esprit saint.

Il faut rappeler que dans l'évangile de Luc la naissance de Jean baptiste est annoncée à grand renforts d'événements miraculeux (l'Ange du Seigneur Gabriel en personne avertit Zacharie que sa femme pourtant vieille enfantera et devant le scepticisme de celui-ci lui ôte la parole  jusqu'à la naissance de l'enfant).

Nous passerons sur ce récit qui n'est pas sans rappeler toutes les naissances extraordinaires auxquelles l'Ancien Testament nous a habitué (Sarah ou la mère de Samson par exemple);Ce qui est ici troublant c'est le rôle énigmatique que les évangélistes font jouer au personnage de Jean Baptiste. En effet en fonction des éléments cités ci-dessus on pourrait s'attendre à ce que jean Baptiste soit le premier disciple de jésus lui qui connaît si bien la mission de ce dernier y ayant été préparé en quelque sorte depuis sa naissance. Or curieusement Jean Baptiste ne fera même pas partie des douze et doutera même un moment de Jésus  (lorsqu'il enverra quelqu'un demander à Jésus s'il est vraiment le Messie Luc 6-19).

Ces contradictions sur le fond se retrouvent chez les trois évangélistes (la concordance des trois récits est tellement frappante qu'il ne s'agit évidemment pas de témoignages indépendants).

Jean Baptiste annonce la venue de Jésus mais en même temps ne le suit pas.

Si Jean Baptiste a réellement existé (son existence n'est guère plus certaine que celle de jésus mais comme son rôle est relativement secondaire il n'est pas nécessaire de la mettre en doute) son attitude demeure énigmatique tant dans le paradigme chrétien que dans le paradigme rationaliste. 

 

Les miracles et les paraboles

 Une lecture chronologique des événements marquants de la vie de Jésus entre le début de son ministère en Galilée et son entrée à Jérusalem montre qu'il n'existe principalement que deux séries d'événements qui se succèdent ou s'entrelacent dans un ordre variable selon tel ou tel évangile: Il s'agit des miracles et des paraboles.

Si Jésus a réellement existé il faut croire qu'il a passé le plus clair de son temps à s'adonner à l'une ou l'autre activité. Ces deux éléments constituent l'aspect le plus frappant des textes et confère à ceux-ci une étrangeté et un mystère qui ne cessent d'aiguiser notre curiosité. Bien évidemment ces événements sont sensés avoir eu lieu il y a près de deux mille ans à une époque qu'il nous est bien difficile de comprendre mais il faut bien avouer que l'impression générale que l'on retire de la lecture à l'état brute des textes (sans commentaires) peut se résumer à ceci: Il ne s'agit pas du récit de la vie d'un homme fût-il aussi extraordinaire que certains le prétendent.

Ces récits n'ont rien en commun avec les tentatives de réécritures d'auteurs rationalistes désireux de  redonner un "peu d'humanité" au personnage. L'impression générale qu'il s'agit ou bien d'un Dieu comme le prétendent les chrétiens ou bien d'un mythe sort renforcée de la confrontation avec le texte.

Bien des vies de Jésus ont été réécrites dans le paradigme rationaliste pour atténuer le côté extra-humain du personnage mais celles-ci sont trop éloignées des évangiles pour être crédibles. On ne peut pas atténuer l'effet des miracles ou diminuer leur nombre tant ces événements jouent un rôle considérable dans les évangiles. Quant aux paraboles rien ne permet logiquement de penser que des témoins directs ou indirectes aient pu mettre de telles phrases dans la bouche de Jésus (et de plus si longtemps après sa mort).

Les miracles se décomposent de la manière suivante:

-     Les guérisons miraculeuses

-          Les résurrections (Lazare et les autres)

-          Les "autres miracles" (multiplication des pains,marche sur l'eau)

Nous analyserons ensuite les problèmes posés par les enseignements de Jésus.

 

Les Guérisons miraculeuses

. Le premier élément frappant à propos de ces guérisons est leur nombre élévé.

Jésus guérit beaucoup de démoniaques (Matt 8-16)

Jésus parcourt des villes et des villages en guérissant toute maladie et toute langueur (Matt 9-35)

Jésus guérit des foules nombreuses (Matt 15-30)

. Tous les types de maux sont guéris par Jésus

Jésus guérit des malades atteints de maux divers (Luc 3-40)

Les principales guérisons concernent :

-          Des aveugles qui recouvrent la vue (Matt 9-27,Marc 8-22,Luc18-35) .Il est même précisé qu'il peut s'agir d'aveugles de naissance (Jean 9).

-          Des sourds-muets (Matt 9-35)

-          Des épileptiques (Matt 17-14)

-          Des boiteux (Matth 21-14)

-          Des paralytiques (Luc 5-17,Jean 5-1)

-          Des Lépreux (Luc 17-11)

-          Des Possédés (Marc 5-1,Luc 3-33,Marc 7-24)

-          Des maux divers (Homme à la main sèche Luc 6-6,serviteur d'un centurion Luc 7-1,Guérison d'une hémorroisse Marc 5-21)

La multiplicité des guérisons rapportées rend caduque l'hypothèse soutenue par la plupart des rationalistes selon laquelle tous les maux guéris par Jésus seraient en fait des maladies psycho-somatiques sans lésions réelles.

D'une part il convient de noter que même si cela était vrai l'exploit accompli par Jésus  serait quand même remarquable car on a jamais vu dans toute l'histoire une telle accumulation de pareilles guérisons en si peu de temps du fait d'un seul individu. Mais il est encore plus invraisemblable que toutes ces personnes atteintes des maux les plus divers puissent être rangées dans la catégorie des malades psychosomatiques à une époque où les vraies maladies devaient être bien plus nombreuses qu'aujourd'hui .

Il est tentant d'essayer par tous les moyens d'atténuer le caractère miraculeux de l'acte de guérison en refusant de lire le texte au premier degré pour tenter d'extraire de l'impossible un élément rationnel. On voit ainsi Gérald Messadier essayer de nous expliquer comment Jésus guérissait les aveugles en leur nettoyant les yeux pour y retirer la boue qui les empêche de voir. Même si cette explication peut satisfaire un cas ou deux il ne faut pas oublier que le texte est suffisamment non ambigu sur certains détails sans doute pour dissuader des détracteurs potentiels (Guérison de l'aveugle né dans Jean 9).Parfois la guérison a lieu sans intervention directe de Jésus (Guérison d'une Syrophénicienne  Marc 7-24).L'évangéliste veut ainsi montrer sans ambiguïté qu'il y eu miracle sans doute pour éviter des tentatives d'explication où le surnaturel serait absent.

La faiblesse des arguments rationalistes dans ce cas consiste à admettre que la même personne qui a eu tant le souci du détail pour nous raconter des "événements réels" se trompe complètement dès qu'il s'agit de raconter un miracle. Tromperie volontaire ou involontaire selon les auteurs, l'explication est boiteuse et colle mal avec le reste du texte. Seul l'interprétation faible du rationalisme qui rejette l'ensemble des événements miraculeux peut sauver momentanément le paradigme de cette incohérence. Mais avec le risque de se rapprocher de très près du paradigme mythique car comme on aura l'occasion de le re-préciser s'il s'avère que l'on doive retirer une part trop importante des textes (et les miracles constituent une partie non négligeable des quatre évangiles) c'est toute la crédibilité du témoignage qui se retrouve ipso facto en cause. Il ne reste plus alors qu'à simplement postuler l'existence de Jésus tout en rappelant que l'on ne peut rien savoir concernant sa vie, position très voisine de celle du mythe.

 

Les résurrections

On trouve dans les évangiles plusieurs récits de morts ressuscités par Jésus:

-          Résurrection de la fille de Jaïre (Marc 5-23)

-          Résurrection du fils de la veuve de Naïn (7-11)

-          Résurrection de Lazare (Jean-11)

Il s'agit ici des résurrections accomplies par Jésus auxquelles il conviendrait d'ajouter la sienne et celles des morts le jour de la crucifixion.

La résurrection de Lazare est celle qui est décrite avec le plus de détails; l'évangéliste nous précise que Lazare est décédé depuis quatre jours et qu'une odeur forte commence à se faire sentir ;ce détail encore une fois est destiné à persuader le lecteur qu'il ne s'agit pas d'un fait pouvant s'expliquer de manière plus simple comme par exemple en supposant que Lazare était simplement tombé dans un coma profond mais qu'il n'était pas vraiment mort.

C'est pourtant l'explication préférée des rationalistes qui feignent de ne pas remarquer que même dans ce cas "extraordinaire" l'acte accompli serait quand même tout à fait incroyable. On a rarement vu en effet dans toute l'histoire de la médecine un comateux se rétablir brusquement en obéissant simplement aux injonctions d'une tierce personne.

Encore une fois les rationalistes devront préférer l'explication de l'invention pure et simple quitte à affaiblir un peu plus la crédibilité du témoignage.

 

Les autres miracles

Jésus accomplit encore bien d'autres miracles dont l'accumulation constitue un vrai problème pour les tenants du paradigme rationaliste selon lesquels ces actes surnaturels sont bien sur impossibles. Seule la thèse du mythe et bien sur la thèse chrétienne restent cohérentes par rapport à ces faits.

-      La tempête apaisée (Marc 4-35):Jésus a le pouvoir de commander aux éléments (mer et vent) de se calmer

-          Première multiplication des pains (Marc6-30): Jésus nourrit 5000 personnes avec 5 pains et 2 poissons.

-          Jésus marche sur les eaux (Marc 6-45)

-          Deuxième multiplication des pains (Marc 8-1) : Jésus nourrit 4000 personnes avec 7 pains et quelques poissons. Notons au passage quelque chose de surprenant sur ce deuxième récit identique (au nombre de pains près) au premier récit. Les disciples qui ont assisté à la première multiplication (qui a du constitué un événement plus que mémorable) semblent ne pas s'en souvenir puisqu'ils demandent une nouvelle fois à Jésus comment ils peuvent trouver la quantité de pains nécessaire pour nourrir cette nouvelle multitude.

-          La transfiguration (Marc 9-2): il ne s'agit pas à proprement parler d'un miracle accompli par Jésus mais plutôt d'un événement surnaturel dans lequel celui-ci est impliqué en compagnie de Moïse et d'Elie avec en final une intervention directe de Dieu par le biais de la traditionnelle nuée.

-          Jésus transforme l'eau en vin aux noces de Cana (Jean 2).

 

En conclusion on peut réaffirmer que les événements surnaturels constituent une part importante des évangiles qu'il n'est pas possible d'ôter sans affaiblir considérablement la véracité du témoignage des apôtres. Pour les rationalistes qui tiennent à démontrer l'existence historique de Jésus en insistant sur le souci du détail  dont ont  fait preuve les évangélistes dans leur description des événements en question il y a là un vrai problème de cohérence. Ce problème n'existe pas dans les deux autres paradigmes puisque pour les chrétiens les miracles se sont réellement produits tels qu'ils sont décrits et pour les tenants du mythe ils ne sont qu'invention.

 

La renommée de Jésus

Un petit paragraphe pour noter un fait important qui ressort de la lecture de cette partie des Evangiles à savoir la renommée impressionnante qui entoure Jésus au travers de ses voyages en Galilée et ailleurs.

-          Les deux épisodes de la multiplication des pains ont montré que plusieurs milliers de personnes suivaient parfois Jésus afin d'entendre ses paroles.

-          Sa renommée gagne la Syrie (Matth 4-24)

-          Des foules nombreuses le suivent (Matt 4-25)

-          Hérode et Jésus (Marc 6-14) : "Le roi Hérode entendit parler de lui car son nom était devenu célèbre".

-          Les foules à la suite de Jésus (Marc 6-17) : Une grande multitude de gens viennent l'entendre de Judée,de Jérusalem de Tyr et de Sidon.

La renommée de Jésus est principalement due aux nombreux miracles qu'il accomplit en parcourant le pays ainsi qu'au contenu surprenant et novateur de son discours.

Une question essentielle se pose en guise de conclusion à cette renommée. Pourquoi aucun historien ou observateur de l'époque  n'a-t-il mentionné Jésus ? A part les quelques allusions pseudo-historiques que nous analyserons plus loin personne n'a cru bon de simplement citer Jésus comme une personne de cette époque et de ce pays qui a compté. L'incroyable renommée du Jésus des évangiles est en contradiction flagrante avec la discrétion totale du Jésus de l'histoire. La plupart des rationalistes lèvent cette difficulté en niant cette prétendue renommée que Jésus doit principalement aux miracles qu'il accomplit (puisqu'ils nient aussi les miracles).

 

L'enseignement de Jésus

Quand Jésus n'accomplit pas de miracles ,il enseigne au peuple dans les synagogues ou parfois en plein air. Son message apostolique est délivré le plus souvent sous forme de paraboles. Nous allons analyser le fond et la forme de cet enseignement en essayant de dégager des grandes catégories utiles pour l'analyse ci-après.

-          Le contenu du message de Jésus est très inégal ;c'est un mélange surprenant de maximes parfois très sages ou très poétiques et parfois aussi très douteuses. Parmi les maximes les plus connues et qui sont encore très populaires de nos jours ,on peut citer:

à Les Béatitudes (Matt 5 1-11)

à Aimez vos ennemis (Matt 5-43)

à Si quelqu'un te donne un soufflet sur la joue droite, tends lui encore l'autre (Matt 5-39)

à Ne juger pas afin de ne pas être jugés (Matt 7-1).

à Tu aimeras ton prochain comme toi même (Matt 22-39).

à Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous ,faites le vous même pour eux etc…

Malgré le caractère parfois très poétique de ces maximes il faut bien reconnaître que leur efficacité est plus que douteuse si elles devaient être suivies à la lettre.

Parmi les maximes plus équivoques on peut citer :

à Il faut s'abandonner à la providence (Matt 5 25-34) : Ne vous inquiéter donc pas du lendemain : demain s'inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. Il est inutile d'insister sur le caractère peu efficace voir dangereux d'un tel précepte pour la survie de l'espèce humaine et on peut se féliciter que nos ancêtres ne l'ait pas mis en pratique trop souvent.

à Efficacité de la prière (Matt 7 7-11) : Demander et l'on vous donnera, cherchez et vous trouverez; frapper et l'on vous ouvrira. Encore une fois Jésus recommande de s'en remettre à la providence aidée par la prière pour venir à bout de toutes les difficultés. L'efficacité est  même renforcée en cas de prière commune (Matth18-19).  L'histoire de l'humanité à montré depuis toujours que cette philosophie plus passive qu'active ne marchait que rarement et n'engendrait aucun progrès. La chance qui sourit parfois à certains est bien souvent occultée par le malheur qui frappe le plus grand nombre.

à N'appelez personne votre "père" sur la terre (Matt 23-9): Comment faut-il donc appeler son père ?

à Si ton œil droit est pour toi une occasion de pêcher (quiconque regarde une femme pour la désirer) arrache le et jette le loin de toi. Si ta main droite est une occasion de pêcher : coupe là et jette la loin de toi (Matth 5-29 5-30).Cette dernière maxime se passe de commentaires.

 

-          Le contenu du message n'est pas exempt de contradictions. Contradictions parfois internes au Nouveau Testament et aussi en référence à l'Ancien Testament.

à Jésus affirme être venu pour accomplir la loi dans sa totalité : Pas un point sur l'i ne passera de la loi que tout ne soit réalisé (Matt 5-18). Pourtant il va plus loin modifier celle-ci en remplaçant certaines exigences par des exigences opposées. Ainsi le commandement œil pour œil ,dent pour dent est -il remplacé par "tendre l'autre joue".

à Si je me rends témoignage à moi-même, mon témoignage n'est pas valable (Jean 5-31).

     Bien que je me rende témoignage à moi même ,mon témoignage est valable (Jean 8-14).

 

-          La forme du message est celle des paraboles. C'est volontairement que Jésus s'exprime en paraboles car il n'a pas été donné aux gens ordinaires de connaître les mystères du royaume des cieux; cette faculté a été donné aux seuls disciples (Matt 13-11). On peut remarquer cependant en contradiction avec cette explication que les disciples ne semblent pas comprendre d'avantage les dites paraboles puisqu'ils demandent par exemple à Jésus de leur expliquer la parabole de l'ivraie (Matt 13-36).On peut aussi s'étonner des raisons plus explicites données par Jésus dans l'évangile de Marc (Marc4-12);là il nous explique que les gens ne doivent en aucun cas comprendre le message délivré de peur qu'ils ne se convertissent et qu'il ne leur soit pardonné. On peut se demander alors :

à Pourquoi Jésus se donne t-il la peine d'enseigner à des foules nombreuses un message que seule une poignée d'élus peuvent comprendre ?

à Pourquoi veut-il alors que les gens reconnaissent en lui l'envoyé de Dieu (en multipliant notamment les miracles) alors que dans le même temps la signification de son message doit rester secrète ?

 

Interprétation selon les trois paradigmes

Pour le paradigme chrétien les contradictions relevées sur le fond sont inconciliables avec le fait admis que Jésus est le fils de Dieu . La difficulté n'est pas propre au nouveau testament mais existe également dans l'Ancien. Par exemple le commandement :<< Tu ne tueras point>> qui est bafoué par Dieu lui-même lorsque celui -ci ordonne à son peuple de massacrer les habitants d'un village situé à l'endroit de la Terre promise.

Les nombreuses contradictions et/ou aberrations contenues dans l'Ancien Testament (Récit de la Genèse) sont  connues et passées sous silence au profit d'un Nouveau testament censé apporter plus de cohérence et de force au message divin. On vient de voir qu'il n'en est rien et que les évangiles ne diffèrent pas sur ce point des textes de la bible hébraïque.

Le paradigme rationnaliste peut expliquer les contradictions de fond en mettant en avant le côté humain de Jésus soumis à l'erreur comme tout un chacun. Mais il est plus difficile pour lui d'expliquer pourquoi le Jésus de l'histoire s'exprimait en paraboles devant des foules nombreuses qui ne comprenaient rien à son discours. Ce discours qui n'apparaît d'ailleurs pas comme celui d'un homme mais plutôt comme une sorte de compilation établie progressivement au cours du temps. C'est le sentiment global qui ressort de la lecture des textes. A aucun moment on a l'impression que le principal héros de l'histoire est un homme semblable à d'autres hommes et ayant vécu à une époque déterminée.

Quel homme en effet pourrait tenir pareil discours et accomplir autant de miracles en si peu de temps ? (sans parler des prophéties sur lesquelles nous reviendront)

Encore une fois seul le paradigme mythique parvient à rendre compte de tous ces faits en refusant le recours à des hypothèses trop fantaisistes: Une compilation de maximes juxtaposées et mise dans la bouche d'un personnage crée de toutes pièces dans le but de servir de "support" vivant au texte comme une sorte de récitant, le tout baignant dans une atmosphère surnaturelle permanente peinte aux couleurs des miracles.

 

 Les annonces de la passion

A plusieurs reprises Jésus annonce lui même son destin tragique mais nécessaire,son arrestation ,sa crucifixion puis sa résurrection après le troisième jour

-          Première annonce : Matt16-21

-          Deuxième annonce :Matt 17-22

-          Troisième annonce : Matt 20-17

Ces passages démontrent le pouvoir de divination de Jésus, pourtant ce même pouvoir sera mis en défaut plus tard lors de l'annonce des événements eschatologiques (arrivée imminente de la fin des temps).

L'interprétation des ces annonces est bien sûr différente selon le paradigme choisit. Pour les chrétiens il s'agit de la raison même de la venue sur terre de Jésus dont celui-ci est parfaitement conscient. Il n'y a donc pas d'incohérence par rapport à l'acte de prévision proprement dit. Seules quelques paroles de Jésus cadreront mal avec sa connaissance du caractère inévitable de son destin : Notamment ses dernières paroles sur la croix : Mon Père pourquoi m'as tu abandonné ?

L'interprétation rationaliste est quant à elle impuissante à expliquer ces visions de Jésus excluant par principe toute intervention surnaturelle (et donc bien sûr la prédiction de l'avenir).Il ne reste donc plus encore une fois qu'à considérer les passages en question comme des embellissements ultérieurs n'ayant aucun rapport avec le personnage historique.

Dans le paradigme  mythique ces passages prennent une signification plus évidente: Ils rappellent au lecteur quel est le but essentiel assigné au personnage que les parties narratives du texte ne doivent pas faire oublier.

 

Le Discours Eschatologique

Jésus annonce la fin des temps et l'avènement du royaume des cieux. Plusieurs remarques intéressantes s'imposent quant à ce passage essentiel des évangiles dont le texte de Matthieu (Matth 24) nous fournit le témoignage le plus complet:

à La fin des temps annoncée est imminente :  "En Vérité je vous le dis,cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé " (Matth 24-34).

à La fin des temps surviendra après que l'évangile aura été proclamé dans le monde entier (Matth 24-14).

Ces deux indications de date ne sont pas cohérentes entre elles du point de vue du paradigme chrétien puisque l'on sait que l'Evangile ne fut "proclamé" dans le monde entier que bien longtemps après la disparition de la première génération dont il est fait ici mention.Elles sont par ailleurs démenties toutes deux par les faits puisque deux mille ans après ces prophécies et bien que l'évangile ait été proclamé sur toute la Terre aucune fin du monde  ne s'est encore produite.

Pas d'incohérence en revanche selon le point de vue rationaliste.En ce qui concerne le paradigme mythique il faut noter que la première indication de date (cf cette génération) placée dans la bouche de Jésus semblerait plaider pour  une première rédaction du texte antérieure à la fin du premier siècle .En effet quel intérêt aurait eu l'auteur de ce texte vivant au deuxième siècle de placer une fausse prophétie dans la bouche du fils de Dieu ?

à Le tableau  de la fin des temps fait écho à celui de la cosmogenèse de l'ancien Testament (Génèse):Jésus parle d'étoiles qui tomberont du Ciel ,du soleil qui s'obscurcira, de la Lune qui ne donnera plus sa lumière…

Il est de nouveau bien difficile pour le paradigme chrétien de justifier le sens de cette vision cosmique et d'en assurer la cohérence avec la connaissance moderne que nous possédons de l'univers. Que Jésus ait la même vision de l'univers que celle de l'auteur de la Genèse est plausible dans les deux paradigmes non chrétien mais pas dans ce dernier qui se doit de refléter au minimum la réalité des choses (qui correspond nécessairement aussi à celle de Dieu) : On connaît les efforts de l'Eglise pour remplacer la lecture trop imagé et allégorique de la Genèse par une autre plus moderne intégrant  la théorie du Big-Bang .Or il est manifeste que les expressions utilisées dans les évangiles font écho à celles de l'ancien Testament  et correspondent bien à une vision du Cosmos partagée par les hommes de l'Antiquité.

La Passion

L'accomplissement des écritures

Voici venu l'épisode final et sans doute le passage le plus important des évangiles. Les récits des évangélistes diffèrent parfois dans le détail mais  présentent néanmoins une certaine similitude du moins en ce qui concerne les synoptiques. Ce qui frappe après une première lecture rapide des faits qui se succèdent de manière assez rapprochée c'est cette impression d'une incroyable mise en scène d'événements se déroulant avec la précision du métronome dans le but rappelé plusieurs fois d'accomplissement des écritures.

à      En effet, Jésus a déjà annoncé à plusieurs reprises ce qui va suivre et le rappellera inlassablement jusqu'au dernier moment : "La Pâque, vous le savez, tombe dans deux jours, et le fils de l'homme va être livré pour être crucifié." (Matth 26-2). "Voici toute proche l'heure où le fils de l'homme va être livré aux mains des pêcheurs." (Matth 26-45).

à      Jésus annonce la trahison d'un des douze et va même jusqu'à le nommer. (Matth 24-25).

à      Jésus prédit le reniement de Pierre (avec une petite différence entre Matthieu et Luc pour lesquels le reniement arrive avant que le coq n'ait chanté une fois alors que chez Marc c'est avant le deuxième chant du coq que Pierre va renier Jésus).

à      Lors de l'arrestation Jésus n'offre aucune résistance en précisant que s'il le voulait il pourrait faire appel à son Père qui lui fournirait sur le champs douze légions d'anges (Matth 26-53).Mais dans ce cas comment s'accomplirait alors les écritures d'après lesquelles il doit en être ainsi ? (Matth 26-54).Les évènements qui se succèdent sont donc bien inéluctables car ainsi voulus.

à      Dans l'évangile de Jean les exemples abondent de situations ou de faits se déroulant dans l'accomplissement des écritures:

. Les soldats qui prennent la Tunique de Jésus afin que l'écriture fût accomplie: "Ils se sont partagés mes habits et mon vêtement ,ils l'ont tiré au sort" (Jean 19-24)

. Sachant que tout était achevé pour que l'écriture fût parfaitement accomplie ,Jésus dit:" J'ai soif."(Jean 19-28).

. Les soldats ne brisent pas les jambes de Jésus (comme le voulait la coutume) et lui perce le côté avec une lance. "Car cela est arrivé afin que l'écriture fût accomplie :Pas un os ne lui sera brisé. Et une autre écriture dit encore : Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé.(Jean 19-36,37).

Cette idée sans cesse répétée de l'accomplissement des écritures est totalement inconciliable avec les faits relus à la manière rationnaliste.Le fait que toutes les predictions de Jésus ici se réalisent en conformité avec les prophéties de l'Ancien Testament est tout a fait irrationnel.

A la lumière du paradigme chrétien les choses ne sont pas plus simples.Certes ici le metteur en scène s'appelle Dieu et il est donc parfaitement normal que Jésus soit parfaitement au courant du déroulement des évènements jusque dans les moindres détails.Il n'empêche que cette succession de scènes programmées à l'avance (trahison,arrestation,procès et crucifixion) semble pour le moins étrange pour ne pas dire incroyable eu égard à l'enjeu de l 'événement central à savoir la mort du fils de Dieu venu racheter les péchés des hommes. En somme seule la grille de lecture mythique nous offre à nouveau une interprétation logique et beaucoup plus simple de cette incroyable mise en scène.

 

Les évènements surprenants

Tout au long de l'épisode de la Passion on assiste à plusieurs reprises à des événements dont la vraisemblance est soit douteuse soit plus simplement incroyable. Le caractère historique du récit s'en trouve ainsi profondément troublé:

-          L'attitude de Pilate qui fait montre d'une incroyable faiblesse de décision à l'égard de Jésus et qui semble carrément obéir aux injonctions de la foule et du Sanhédrin en contradiction flagrante avec le portrait sans nuance du personnage laissé par les historiens et avec les pratiques de la justice romaine qui n'avait pas pour habitude de condamner ainsi un homme sans motif valable (Pilate le rappelle d'ailleurs à plusieurs reprises).

-          Cette foule qui acclamait encore Jésus il y a si peu de temps lorsque celui-ci faisait son entrée dans Jérusalem (Luc 19-36)  et qui louait ses innombrables prodiges et guérisons miraculeuses est si pressée ensuite de le voir crucifié et réclame sa mise à mort et son échange contre un vulgaire voleur nommé Barabbas.

-          L'obscurité qui s'établit sur la Terre entre la sixième et la neuvième heure c'est à dire en plein jour et qu'aucun observateur  de l'époque ne semble avoir remarqué (voir l'article sur Thallus).

-          Les morts qui ressuscitent et qui se promènent dans la ville.

-          Les anges qui apparaissent devant ou dans le tombeau vide le matin du premier jour de la semaine.

-          Les plusieurs apparitions de Jésus ressuscité "en chair et en os" devant ses disciples.

 

Bien sur tous les événements surnaturels trouvent leur explication cohérente dans le paradigme chrétien. Il n'en va pas de même pour le paradigme rationaliste dans lequel une telle accumulation de faits défiant les lois de la nature est tout simplement impensable. Bien sur on peut arguer comme le fait Gérald Méssadié dans "l'Homme qui devint Dieu" que la résurrection de Jésus n'en est pas une car celui-ci  , mortellement blessé et mis à mal sur la croix aurait toutefois survécu à ses blessures (puisque les soldats ne lui ont pas brisé les os) et aurait été ensuite soigné et sauvé grâce au concours de Joseph d'Arimathie et de quelques comparses. Puis Jésus serait donc effectivement apparu en chair et en os devant ses disciples (puisqu'il n'était pas mort) et aurait ensuite définitivement quitté la région pour rejoindre d'autres contrées qui garderaient encore le souvenir de son passage (Jésus de Srinagar).

On reste pantois devant les trésors d'imagination dont fait preuve l'auteur pour sauver à tout pris la réalité d'un événement qui serait sinon soit surnaturel (hypothèse chrétienne) soit inventé (hypothèse mythique).Le seul ennui avec cette tentative d'explication malgré tout assez improbable réside dans le fait qu'elle laisse de côté les autres événements décrits ci-dessus (Les anges ,les morts ressuscités, l'obscurité…) pour sauver ce qui semble être l'essentiel : la résurrection de Jésus qui devient alors un événement "naturellement possible".

La plupart des auteurs rationalistes préfèrent arrêter la lecture des évangiles à la mort de Jésus et laisser tout le reste dans le domaine du mythe. Quelque soit l'option choisie (minimaliste ou maximaliste) cette grille de lecture ne parvient pas à rendre le texte globalement cohérent  et se trouve dans l'obligation de procéder à un tri minutieux des passages à garder et des passages à rejeter.

 

Les contradictions

Les contradictions sont nombreuses dans les quatre récits de la passion à notre disposition. Rappelons les plus connues :

-          Dans les évangiles de Matthieu et Marc Jésus est amené devant le Sanhédrin puis devant Pilate tandis que dans l'évangile de Luc Jésus comparait également devant Hérode avant d'être ramené une deuxième fois chez Pilate.

-      Jésus porte sa croix dans l'évangile de Jean alors que les Synoptiques affirment que c'est Simon de Cyrène qui l'a porte à sa place.

-          Les trois femmes qui se rendent au tombeau sont Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et Salomé dans l'évangile de  Marc. Pour Matthieu il s'agit simplement de Marie de Magdala et de Marie mère de Jacques. Luc ajoute le nom de Jeanne à celui des deux Maries. Quant à Jean il ne parle que d'une seule femme: Marie de Magdala.

-          Les Anges et le tombeau : Pour Matthieu il y a un ange qui arrive soudainement dans un grand tremblement de terre et qui fait rouler la Pierre qui masque l'entrée du Tombeau. Il avertit les femmes que Jésus est ressuscité (Matth 28).Pour Marc la pierre est roulée lorsque les femmes arrivent au tombeau et voient l'Ange. Pour Luc et Jean il est question de deux anges.

-          Les apparitions de Jésus: Jésus apparaît aux femmes venues au Tombeau puis aux disciples en Galilée dans l'évangile de Matthieu. Dans l'évangile de Marc Jésus apparaît à Marie de Magdala puis à deux disciples en chemin (Marc 16-12) et enfin aux onze disciples qui sont à table sans aucune indication de temps (on peut penser d'après le récit qu'il s'agit du même jour. Luc nous raconte que Jésus est d'abord apparu à deux disciples d'Emmaüs puis aux Onze le même jour à Jérusalem. Pour Jean enfin Jésus apparaît devant Marie de Magdala puis devant ses disciples le même jour avant d'apparaître une dernière fois au bord du Lac de Tibériade.

L'interprétation de ces contradictions est bien sûr différente selon les paradigmes concernés. Pour les paradigmes chrétien et rationaliste elles sont la preuve de l'authenticité et des point de vue différents  des évangélistes. Les détails contradictoires apporteraient la démonstration de la réalité de l'événement raconté par des témoins qui ne se sont pas concertés. Bien sûr les rationalistes rejettent les phénomènes surnaturels tels que les apparitions des anges. Le point de vue mythique quant à lui interprète ces disparités comme autant d'indications que les récits ne sauraient provenir de témoignages directs ou indirects. En effet si les récits proviennent de témoins ayant assistés aux événements comme par exemple les trois Maries on a du mal à imaginer que celles-ci aient pu inventer les êtres surnaturels (les anges) ou simplement se tromper sur le fait qu'ils étaient un ou deux ou sur d'autres détails. Si au contraire et comme le suppose la plupart des spécialistes les récits se sont transmis de bouche à oreille on devrait assister à des points de vue vraiment différents des événements plutôt qu'à des récits quasiment calqués les uns sur les autres. On a plutôt le sentiment d'un récit imaginé par un auteur sur lequel viendrait se greffer ici et là des modifications (détails ou noms différents).

 

La Résurrection

Le mystère de la résurrection décrit dans les Evangiles revêt plusieurs aspects:

-          Dans un premier temps il s'agit d'un phénomène surnaturel qui ne trouve aucune explication satisfaisante selon  le point de vue rationaliste hormis la tentative de Gérald Messadié pour qui Jésus aurait survécu à ses blessures et aurait été soigné par des proches (en contradiction cependant avec les récits concernant les trois femmes dont on doit admettre dans ce cas là qu'elles n'étaient pas au courant).

-          Dans un deuxième temps il convient de noter qu'il s'agit bien d'une résurrection dans la chair. Jésus apparaît "en chair et en os" à ses disciples qui peuvent le toucher et le voir manger (Luc 24 -39à43) et (Jean 21-12).Cette interprétation est plus surnaturelle que religieuse (on s'attendrait en effet à ce que le point de vue religieux mette en avant une survivance de l'âme loin des contingences matérielles. Les rationalistes auraient pu alors parler dans ce cas de "visions" ce qui aurait permis de sauver la cohérence de l'intégralité du récit. Au contraire l'insistance avec laquelle les évangélistes mentionnent la résurrection "dans la chair" de Jésus est de nature à affaiblir considérablement l'authenticité du récit. Seuls les points de vue chrétiens et mythiques restent sur ce sujet cohérents. Il ne reste pour le rationaliste qu'à rejeter le récit en bloc ou bien à nier comme le fait Gérald Messadier que Jésus soit réellement mort sur la croix. Encore une fois le point de vue mythique offre au non croyant une solution qui satisfait au principe du rasoir d'Ockham  (un minimum d'hypothèses supplémentaires).

 

 

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